Des scientifiques belges revelent le lien entre les changements climatiques et l’emergence de nouveaux pathogenes

Alors qu’aujourd’hui, tous les yeux sont tournés vers COVID-19, une maladie due à un virus qui a touché l’homme pour la première fois il y a une an et demi, ailleurs dans le monde, des microbes âgés de milliers d’années sommeillent. Ils sont tout aussi dangereux et tout aussi difficiles à combattre. Les leishmanies en font partie. Des chercheurs de l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers (IMT) ont analysé ces parasites dans les Andes Péruviennes et ont montré le lien étroit entre l’apparition de nouvelles maladies et les changements climatiques. Les résultats de leurs recherches paraissent cette semaine dans le journal américain PNAS.
Depuis les années 80, les chercheurs de l’IMT et de l’Instituto de Medicina Tropical ‘A. von Humboldt’ (IMTAvH) de Lima collaborent au sujet de l’épidémiologie moléculaire de la leishmaniose, une maladie tropicale qui est causée par un parasite transmis par des mouchettes se nourrissant de sang, les phlébotomes. La maladie provoque de graves lésions de la peau et des muqueuses, et peut mener à la mort. En plus de ces effets dévastateurs, la maladie provoque une stigmatisation des patients et le rejet par leur communauté et même leur famille.
Cette recherche sur la variante sud-américaine de la maladie a été initiée par le Prof. Jean-Claude Dujardin, qui a rassemblé avec ses collègues péruviens des échantillons en provenance de la jungle et des Andes afin de les analyser dans les laboratoires de l’IMT et de l’IMTAvH. Une véritable percée a été faite cette années, après que le Dr. Frederik Van den Broeck ait ressuscité les parasites congelés et décrypté leur génome grâce à des technologies modernes. Sous la direction de l’IMT, une équipe internationale de chercheurs a analysé 67 génomes de ce parasite unicellulaire. Les résultats sont révolutionnaires et nous apprennent énormément sur l’émergence et la propagation de nouvelles maladies.
‘Cette étude est un exemple très rare et bien documenté de la spéciation écologique’ rapporte le Dr. Frederik Van den Broeck. ‘Elle montre que de nouvelles maladies peuvent apparaître à cause des changements climatiques. Des parasites comme les leishmanies sont des modèles intéressants pour identifier l’émergence de nouvelles espèces. Ceci s’explique par les relations écologiques étroites entre les parasites, leur hôte animal (par exemple le paresseux) et l’insecte vecteur (le phlébotome). Les facteurs externes comme les changements climatiques ou la déforestation peuvent déstabiliser ces relations. Ceci résulte fréquemment dans des sauts des pathogènes vers de nouveaux hôtes ou vecteurs. Dans notre étude, nous montrons qu’une nouvelle espèce de leishmanie est née dans les Andes à partir d’une ancienne espèce qui vivait dans la forêt amazonienne. Grâce à des modèles, nous avons pu estimer que cet événement est survenu durant la dernière période interglaciaire, il y a de cela 120.000 ans. A cette époque, le climat était comparable à l’actuel climat chaud, ce qui a permis à l’espèce de se déplacer facilement vers d’autres régions. Ensuite, une époque de confinement est survenue durant une ère glaciaire, quand le climat était plus froid. Quand de telles périodes d’isolement durent suffisamment longtemps, une nouvelle espèce peut apparaître.
‘Actuellement nous ne parlons que de l’épidémie de COVID-19’, rajoute le prof. Jean-Claude Dujardin. ‘Une maladie qui est en soi très jeune, puisqu’elle semble n’avoir touché l’homme que depuis un an et demi. La leishmaniose quant-à elle est âgée de milliers d’années. On retrouve des céramiques pré-colombiennes qui figurent des patients atteints de la maladie. Une des formes les plus graves de la maladie est rencontrée en forêt amazonienne. C’est une des maladies qui a poussé les populations à quitter la forêt amazonienne pour vivre en altitude dans les Andes. Cependant, le grand public ignore souvent qu’une autre forme de cette maladie existe depuis des siècles en Europe, autour de la Méditerranée. Ces dernières années, à cause du réchauffement climatique, la maladie progresse vers le Nord, en France, Espagne ou Italie et elle s’y installe’.
‘Les migrations et la manière dont les gens vivent et se déplacent jouent également un rôle important dans la propagation de la leishmaniose’, rajoute Van den Broeck. ‘Depuis les années 80, les leishmanies les plus agressives ont pu se propager parmi les populations locales, car elles entrent de plus en plus dans la forêt pour diverses raisons. Les guerilleros, les narco-traficants et les forces qui les combattent sont un bon exemple. Ainsi, l’ancienne espèce est de nouveau entrée en contact avec la nouvelle, ce qui a donné naissance à de nouvelles épidémies. C’est grâce au fait que nous disposons de collections uniques de parasites que nous pouvons établir ce type de liens.’
Cette étude est aussi un exemple unique de l’influence de l’homme sur la propagation des maladies. D’un côté à cause du réchauffement climatique, d’un autre à cause de la globalisation et des migrations. ‘Aussi longtemps que le climat continue à se réchauffer, nous verrons de plus en plus de maladies tropicales apparaître chez nous. Et si elles viennent, c’est pour s’installer à demeure’, conclut Van den Broeck.
Les résultats de cette étude sont publiés cette semaine dans le renommé journal scientifique américain PNAS.
Faites passer le mot ! Partagez cette nouvelle sur