Une nouvelle étude révèle l’étendue critique des pénuries de médicaments à Gaza

Entre mai et juillet 2025, l'Institut de Médecine Tropicale (IMT), en collaboration avec des partenaires en Palestine, en Australie et en Europe, a enquêté sur la disponibilité des médicaments essentiels à Gaza. Alors que les rapports précédents parlaient souvent de ‘pénuries’, cette étude, publiée dans The Lancet sous la forme d'une lettre de recherche, montre concrètement quels sont les médicaments qui manquent le plus cruellement.
Les chercheurs ont examiné 25 médicaments essentiels dans 14 établissements de santé (3 hôpitaux et centres de santé publics, 5 centres humanitaires et d'urgence, 6 pharmacies). Un médicament était considéré comme ‘disponible’ dès lors qu’au moins une boîte était en stock.
Sur les 25 médicaments étudiés, seuls 9, dont 4 dans les hôpitaux publics et les centres de santé, 4 dans les centres humanitaires et 1 dans une pharmacie, répondaient à la norme de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui stipule qu’un médicament doit être disponible dans au moins 80 % des établissements de santé.
Pour les patients souffrant de maladies chroniques, la situation est particulièrement préoccupante. Aucune pharmacie ne disposait d'insuline en stock et plusieurs traitements de première ligne pour le diabète, l'hypertension et l'épilepsie étaient très insuffisamment ou pas du tout disponibles.
De grandes différences régionales ont été constatées. En moyenne, seuls 37 % des établissements interrogés dans le nord de la bande de Gaza avaient un médicament essentiel en stock, contre 54 % dans le sud.
« Même lorsque les médicaments sont disponibles, presque personne ne peut se les offrir. A Gaza, la quasi-totalité de la population vit dans la pauvreté et dépend de l'aide humanitaire », explique le Dr Saleh Aljadeeah, pharmacien et chercheur postdoctoral au service de santé publique pharmaceutique de l'IMT. « La qualité constitue un autre problème : le manque d’électricité et de réfrigération compromet la conservation de médicaments tels que l’insuline. Même lorsque les médicaments sont disponibles et abordables, leur qualité n'est pas garantie. »
Adapter les lignes directrices aux situations de conflit
Les agents de santé ont indiqué, via un questionnaire en ligne, lesquels des 25 médicaments essentiels étaient effectivement en stock. Les installations détruites ou hors service ont été exclues de l'étude, de sorte que les chiffres reflètent les installations disposant de ressources relativement plus importantes.
L'étude s'appuie sur les lignes directrices existantes de l'OMS et l'Action Santé Internationale (Health Action International) pour mesurer la disponibilité des médicaments, en adaptant ces méthodes aux zones touchées par le conflit, comme le nord de la Syrie. Elle s'inscrit dans le cadre d’un effort plus large visant à mieux cartographier l'accès aux médicaments dans les zones fragiles et touchées par les conflits. Ce faisant, les chercheurs soulignent qu'il faut mesurer non seulement la disponibilité, mais aussi les niveaux de stock, car il arrive qu'un établissement n'ait plus qu'une ou deux boîtes de médicaments.
« La fourniture urgente de médicaments pour les maladies chroniques, comme l'insuline et les traitements contre l'épilepsie, est vitale », explique le Dr Aljadeeah. « Les gens meurent non seulement des bombardements, mais aussi du manque de médicaments. Sans un cessez-le-feu et la fin du blocus, les pénuries se poursuivront ».
Même avant octobre 2023, la disponibilité des médicaments à Gaza était estimée à 55 %, bien en deçà de la norme de l'OMS. Le blocus et l'escalade du conflit ont aggravé l'effondrement du système de santé.
Le Dr Aljadeeah est financé par le Fonds pour la recherche scientifique (FWO) dans le cadre de sa bourse postdoctorale.
Aljadeeah S, Satheesh G, Hafez S, et al. Availability of essential medicines in 14 remaining health facilities in Gaza. Lancet 2025; published online Sept 26. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(25)01819-7
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