« Je pensais que cela ne m'arriverait pas" : pourquoi la prévention du VIH n'atteint pas encore tout le monde
Le nombre de nouveaux diagnostics de VIH en Belgique augmente depuis quatre ans (Sciensano), malgré la disponibilité d’outils de prévention efficaces. Des chercheurs de l’Institut de Médecine Tropicale (IMT) se sont entretenus avec des personnes ayant récemment reçu un diagnostic de VIH afin de comprendre où se situent les opportunités manquées en matière de prévention du VIH, et en particulier de PrEP (une pilule qui peut prévenir l'infection par le VIH). Leurs témoignages montrent que le manque de connaissances, la stigmatisation et l’inégalité restent des obstacles majeurs. Les chercheurs formulent huit recommandations concrètes pour rendre la prévention du VIH plus accessible.
« Nous voyons des histoires très diverses dans notre clinique VIH », déclare le Dr Thibaut Vanbaelen de l’IMT. « De nombreuses personnes sont favorables à la PrEP, mais le chemin qui y mène n’est pas évident pour tout le monde. La prévention va au-delà de la seule disponibilité. »
Des doutes personelles à l'exclusion strcturelle
Les raisons pour lesquelles les personnes ne prennent pas la PrEP sont très diverses.
« Certains ne connaissent pas la PrEP ou ne se considèrent pas comme étant à risque, par exemple des personnes qui ne s’identifient pas comme telles, comme des hommes se percevant comme hétérosexuels, ou encore des jeunes pour qui le VIH semble moins menaçant », explique Gert Scheerder, chercheur au Service de santé sexuelle et VIH de l’IMT. « Les personnes en situation précaire perçoivent parfois la prévention comme moins prioritaire, tandis que d’autres hésitent en raison du coût ou de craintes liées aux effets secondaires. »
Les facteurs interpersonnels jouent également un rôle. Parler du préservatif ou de la PrEP reste difficile, par honte ou par peur du rejet. « Chez certains hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), nous constatons que les partenaires ne concluent pas d’accords clairs concernant les rapports sexuels protégés en dehors de leur relation, ce qui réduit la conscience du risque », poursuit Scheerder. En outre, les rapports sexuels sous l’influence de drogues (comme dans le cas du chemsex) peuvent accroître le risque.
Des obstacles existent également au sein du système de santé. Tous les médecins généralistes ou prestataires de soins n’ouvrent pas spontanément la conversation sur la PrEP, de sorte que certains patients ignorent son existence ou qu’ils pourraient en bénéficier. L’IMT, en collaboration avec Domus Medica, l’UZ Gent et Sensoa, a développé un module d’e-learning contenant des informations de base sur la PrEP et des conseils sur la manière d’en parler avec les patients.
Enfin, les personnes n’ayant pas d’assurance maladie belge n’ont pas accès à la PrEP. « Il s’agit d’un obstacle majeur pour les groupes vulnérables, tels que les HSH issus de l’immigration. En particulier lorsqu’ils viennent d’arriver en Belgique, ils sont souvent peu familiarisés avec le système de soins de santé », ajoute Scheerder.
8 recommandations pour une meilleure prévention du VIH et un meilleur accès à la PrEP
Les chercheurs formulent huit recommandations à l’intention des décideurs politiques, des organisations concernées et des professionnels afin d’améliorer la prévention du VIH et l’accès à la PrEP en Belgique :
Donner aux médecins généralistes et aux organisations communautaires un rôle plus actif dans la discussion sur la PrEP.
Veiller à ce que les personnes sans assurance maladie aient également accès à la PrEP.
Encouragez le suivi ainsi que l’évaluation intermédiaire du risque d’infection par le VIH après l’arrêt de la PrEP.
Conseiller activement la PrEP aux personnes pratiquant le chemsex.
Saisir les occasions de dépistage du VIH pour conseiller la PrEP.
Lever les tabous, les préjugés et la désinformation sur les préservatifs et la PrEP.
Offrir davantage de soutien psychologique aux groupes vulnérables exposés au VIH.
Développer des campagnes avec des informations claires et ciblées sur la PrEP.
« Avec ces recommandations, nous visons à rendre la prévention du VIH plus inclusive et plus accessible », conclut Scheerder. « En abaissant les barrières, nous réduisons non seulement le nombre de nouveaux diagnostics de VIH, mais aussi les inégalités, tout en renforçant la santé publique. »
L'Étude
Pour cette étude, l’IMT a interrogé 21 personnes ayant reçu un diagnostic de VIH au cours de l’année écoulée et suivies à la clinique VIH de l’Institut. Les entretiens ont porté sur leurs connaissances et attitudes à l’égard de la PrEP, leur perception du risque et les circonstances de l’infection.
L'étude a été financée par le Fonds Wetenschappelijk Onderzoek (FWO) et Antwerp Diner.
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