La lutte pour l'accès aux médicaments essentiels dans le nord de la Syrie

Lorsque la guerre et les conflits démantèlent le système de santé d'un pays, qu'arrive-t-il aux personnes ayant un besoin urgent de médicaments vitaux ? Cette question est au cœur des recherches de Saleh Aljadeeah. Ayant travaillé comme pharmacien en Syrie, il a pu constater de visu à quel point il est difficile d'avoir accès à des médicaments essentiels dans une région fragmentée par les conflits. Grâce au projet PharmaChron, financé par la Fondation Roi Baudouin, il dresse un tableau sombre de la pénurie, de la résilience et de l'urgence de changement.

Des services de santé en ruine
Avant le début du conflit en 2011, le système de santé syrien était comparable à celui d'autres pays à revenu intermédiaire. Une industrie pharmaceutique florissante répondait à la quasi-totalité de la demande locale, avec 63 usines couvrant 90 % des besoins du marché national. Cependant, lorsque la guerre a éclaté, cette stabilité s'est effondrée. De graves pénuries de médicaments sont apparues. Des médicaments importés illégalement (appelés « médicaments touristiques » en raison de leur origine inconnue) ont commencé à circuler sans contrôle.
La réalité est brutale. En l'absence d'un système pharmaceutique bien structuré et réglementé, l'approvisionnement est perturbé, entraînant des pénuries généralisées et une forte fluctuation des prix. Les médicaments essentiels deviennent inaccessibles pour beaucoup. Les patients atteints de maladies chroniques doivent souvent choisir entre le rationnement de leurs doses, l'autogestion de leur traitement ou le renoncement total. Pour les femmes, les obstacles sont encore plus importants : les restrictions de mobilité et les normes sociales les défavorisent et limitent leur accès aux soins.

Et ce n'est pas tout. Les patients souffrant de certains problèmes de santé sont souvent stigmatisés. C'est le cas de l'épilepsie. Beaucoup de personnes épileptiques n'osent pas poser de questions sur leur maladie. On craigne que les crises d'épilepsie soient perçues comme un phénomène mystique plutôt que médical, ce qui mène au silence et à la désinformation. En l'absence de neurologues, les pharmaciens deviennent leur seule source d'information et devaient souvent se contenter d'un approvisionnement limité.
Les pharmaciens en première ligne
Alors que les hôpitaux peinent à fonctionner, les pharmaciens assument des rôles bien au-delà de leur formation initiale. Bien que la loi leur interdise de diagnostiquer les maladies chroniques, beaucoup n'ont pas d'autre choix que de combler le vide laissé par un système défaillant. L'improvisation devient une nécessité. Ils doivent gérer des stocks de médicaments limités, contrôler la qualité des médicaments uniquement par inspection visuelle, et collaborer au sein de réseaux informels pour que les patients reçoivent les soins dont ils ont besoin. « Nous savons que nous allons parfois trop loin », a déclaré un pharmacien, « mais en fin de compte, nous faisons de notre mieux pour ne pas laisser les patients seuls dans ce chaos ».

Résilience, espoir et lutte pour un avenir meilleur
Malgré ces défis considérables, les recherches de Saleh indiquent une voie à suivre. Le renforcement de la production pharmaceutique locale, l'amélioration de la réglementation des prix et une attention accrue portée aux maladies non transmissibles dans les zones de conflit peuvent faire une différence tangible. La levée des sanctions limitant l'accès aux médicaments et le soutien à des initiatives de santé flexibles et collaboratives, contribueraient également à stabiliser la situation.
Même si la crise en Syrie et dans la région reste grave, des améliorations sont possibles. Repenser les modèles traditionnels d'aide humanitaire et soutenir les initiatives locales pourraient améliorer l'accès aux soins de santé. Les travaux de Saleh ne se limitent pas à la recherche. Il témoigne également de l'endurance de ceux qui, jour après jour, luttent pour fournir des soins dans les conditions les plus extrêmes.

Envie d’en savoir plus ?
Saleh partage ses expériences personnelles et ses réflexions sur la lutte pour la santé pour tous dans la saison 2 de notre podcast de l’IMT, Transmission.
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