Les derniers mètres vers l’élimination de la maladie du sommeil


Une menace en déclin, mais persistante
La trypanosomiase humaine africaine (THA), plus connue sous le nom de maladie du sommeil, est une maladie parasitaire mortelle qui sévit en Afrique subsaharienne depuis des décennies, en particulier en République Démocratique du Congo (RDC). Transmise par la piqûre de la mouche tsé-tsé, elle évolue de manière insidieuse. Les premiers symptômes sont souvent confondus avec ceux d’affections plus courantes. Sans traitement, la maladie du sommeil est presque toujours fatale.
Autrefois largement répandue, la maladie a fortement reculé grâce à des efforts de contrôle intensifs. L’OMS s’est fixé un objectif ambitieux : interrompre la transmission de la maladie du sommeil d’ici 2030, un cap qui semblait autrefois à portée de main. Pourtant, les experts de l’IMT mettent en garde : sans vigilance continue, dépistage actif et implication des communautés, la maladie pourrait réapparaître malgré les progrès réalisés. « Dans un monde confronté à d’énormes défis sanitaires, 800 à 900 cas par an peuvent sembler insignifiants », explique Jakke Van den Abbeele, parasitologue à l’IMT. « Mais si nous relâchons nos efforts, la maladie saisira l’occasion et refera surface d’ici 10 à 15 ans. »

L’espoir de l’acoziborole
Il existe deux types de THA : Trypanosoma brucei gambiense (gTHA), qui sévit en Afrique de l’Ouest et centrale et représente 92 % des cas signalés, et Trypanosoma brucei rhodesiense, présent principalement en Afrique de l’Est et australe.
Jusqu’à récemment, le traitement de la gTHA était complexe et souvent risqué. Les traitements disponibles étaient toxiques et le processus de diagnostic comprenait plusieurs étapes : un dépistage sérologique, une confirmation microscopique et une ponction lombaire pour déterminer le stade de la maladie. En raison de ce parcours lourd, jusqu’à 50 % des patients ne parvenaient pas à achever leur prise en charge. Le manque d’infrastructures de santé dans les zones rurales compliquait encore davantage le suivi. De plus, la peur des procédures invasives dissuadait de nombreuses personnes de se faire tester.
L’arrivée de l’acoziborole a profondément changé la donne. Ce traitement oral à dose unique pourrait révolutionner la prise en charge de la maladie du sommeil. Les essais cliniques de phase III ont montré une efficacité de 98,1 %, quel que soit le stade de la maladie. Surtout, il ne nécessite plus de ponction lombaire, ce qui le rend plus sûr, plus simple et plus accessible. Cette avancée ouvre la voie à une approche « dépister et traiter », où les patients testés positifs sont immédiatement traités, éliminant ainsi le besoin de procédures de confirmation complexes et augmentant les chances de traiter la maladie avant l’apparition de symptômes graves.

StrogHAT apporte l’acoziborole sur le terrain
Le projet StrogHAT joue un rôle clé dans la mise en œuvre de cette nouvelle stratégie thérapeutique dans des contextes réels. Son objectif est clair : fournir les premières preuves nécessaires pour intégrer l’acoziborole dans les programmes nationaux de lutte contre la THA.
« Ce traitement est étonnamment efficace », déclare Elena Nicco, experte en maladies infectieuses et investigatrice principale du projet StrogHAT à l’IMT. « Trois comprimés, et le patient est traité. Mais il n’est pas réaliste de traiter 300 millions de personnes pour une maladie qui ne touche que quelques centaines de cas par an. Il est donc essentiel de continuer à cibler les interventions, d’assurer un dépistage régulier et de garantir un financement durable. »
En simplifiant le diagnostic et le traitement, StrogHAT espère améliorer l’adhésion des patients, faciliter l’accès aux soins et, à terme, accélérer l’élimination de la gTHA, conformément à l’objectif de l’OMS d’interrompre la transmission d’ici 2030.

Les premiers patients déjà traités
Septembre 2024 a marqué une étape clé pour le projet StrogHAT, avec l’inclusion des premiers patients dans l’étude clinique. Le 15 septembre, le premier participant a reçu l’acoziborole. Depuis, plus de 100 patients séropositifs pour la gTHA ont été traités. L’étude se poursuit, avec de nouveaux cas identifiés grâce à des campagnes de dépistage dans les villages endémiques et une détection passive des cas dans 31 structures de santé de la région d’Équateur Nord en RDC.
Les équipes engagées poursuivent leurs efforts et préparent la prochaine phase de suivi. Leur dévouement offre l’espoir de voir la maladie du sommeil reléguée au passé et de préserver les avancées obtenues au fil des années. Grâce à un soutien continu et à des innovations thérapeutiques comme l’acoziborole, un avenir sans maladie du sommeil n’a jamais été aussi proche.
Le projet StrogHAT est financé par le programme de recherche et d’innovation Horizon Europe de l’Union européenne, Global Health EDCTP3, et est mené par l’IMT en partenariat avec l'Institut National de Recherche Biomédicale (RDC), Programme National de Lutte contre la Trypanosomiase Humaine Africaine (RDC), l'Institut de Recherche pour le Développement (France), Drugs for Neglected Diseases Initiative (Suisse).
(c) Image d'en-tête : Veerle Lejon ( Institut de Recherche pour le Développement)

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Ils partagent leurs expériences et réflexions personnelles sur la dernière ligne droite vers l’élimination de la maladie du sommeil dans la troisième saison du podcast de l’IMT, Transmission, à paraître en avril 2025 !
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